Julien Herrault

Recherche en cours

Pour cette recherche, je souhaite interroger le concept perspectiviste de corps à partir notamment de différentes techniques méditatives. Selon Baptiste Morizot, au sens animiste, le corps n’est pas seulement « le corps physique qui change autour de l’esprit inamovible porteur d’identité, mais au contraire la perspective sur le monde qui, un instant, se métamorphose, en tant qu’elle est commandée par le corps lui-même »*. Il s’agira donc de voir ou de sentir depuis mon corps, de sortir de la relation dualiste au monde et d’embrasser l’altérité qu’offre un autre corps quel qu’il soit : animal, végétal, minéral, etc.

À partir de là, et de mes connaissances de différentes approches méditatives, je souhaite explorer la matière du corps, sentir avec attention les mouvements intérieurs (visibles et invisibles) qui s’y rattachent et observer leurs matérialisations manifestes, afin d’envisager d’autres possibilités d’être-au-monde, d’autres moyens de cohabitations avec le « mouvement extérieur global » (mouvement dualiste dominant de la société occidentale, associé intrinsèquement à l’industrialisation, nourri par le productivisme et l’extractivisme, où le soi est séparé de l’autrui).
Lorsque je parle de « mouvements intérieurs », je parle des muscles, des os, des organes, des fluides, des cellules. Je parle du système biologique, de l’attention particulière portée aux sensations subtiles, à la respiration, aux tensions, aux pulsations, aux flux énergétiques, à toutes ces invisibilités de mouvement qui font la puissance de toute expérience méditative… Celle-ci étant ouverte à tous les corps, humains comme non-humains : être pierre, être plante, être vent, nuage, insecte, montagne…

Comment intégrer toutes ces invisibilités dans un langage performatif ? Comment les embrasser et les retranscrire dans un espace de représentation qui, a priori, appelle à une nécessaire visibilité de mouvement ? Quelles sont leurs différentes matérialisations possibles ? À partir de quels médiums ?
Quelques-unes des questions qui accompagneront les débuts de cette recherche, à travers laquelle j’entends réfléchir à de nouveaux langages entre l’esprit et la matière, pour faire apparaître de nouvelles formes de productivité du corps qui viendraient ritualiser le geste à travers ses propres (in)visibilités.

Julien Herrault, septembre 2023

*Baptiste Morizot, L’Inexploré, 2023, p. 198.

© Julien Herrault

Parcours à L'L

Après dépôt de candidature, Julien Herrault entame sa recherche à L’L en octobre 2023.

Né en France en 1982, Julien Herrault est artiste plasticien, performeur et vidéaste. Son travail fait appel aux énergies et aux matières les plus élémentaires pour ritualiser un retour aux origines, là où l’humain découvre la violence et la puissance de la nature. Conçues comme des tableaux vivants autant que des théâtres d’actions, mêlant à la fois un travail plastique (vidéo, photographie, sculpture, installation) et performatif (corps, geste, son), ses pièces mettent en avant la résistance du corps, la mémoire de ses gestes et les formes de son désir.
En
2006, il intègre la formation internationale Essais au Centre National de Danse Contemporaine d’Angers, dirigé alors par la chorégraphe Emmanuelle Huynh (formation de recherche autour du geste et de l’acte chorégraphique).
De 2008 à 2013, il collabore au sein de la Compagnie Fanadeep à différentes formes pluridisciplinaires présentées dans des festivals.

En 2009, il est lauréat de la résidence Les inclassables de l’Institut Français et du Conseil des Arts et des Lettres du Québec (résidence de six mois à Montréal). Il vit ensuite une rupture artistique de deux ans qu’il qualifie d’« initiatique » durant laquelle il part vivre en Islande. Il revient en France en 2015 et commence à développer des projets solos, soutenus par différentes Scènes nationales et l’Espace Pasolini à Valenciennes. Dans ses pièces, il donne forme à une anthropologie du refoulé, explorant les thèmes de l’impermanence et de la fragilité de la vie (Will I See You Again, 2017) ou l’expérience de la mort en reconstituant le souvenir traumatique de l’image d’un suicidé (Dogs, 2019). Avec l’installation-performance Purs (2020), il débute sa recherche sur la productivité des corps à travers le portrait de son père. On y trouve tous les éléments qui forment depuis son esthétique, les matériaux bruts qui lui servent de médiums (la glace, la pierre, le bois, l’os ou le fusain) comme les gestes simples qui président à leur organisation (clouer, respirer, marcher, répéter).

Dans sa continuité, Seule reste la mémoire de nos souffles (2022) affine encore ces différents éléments au cœur d’un rituel totémique, et permet d’intégrer la dimension animiste à son travail qui s’inscrit dans des temporalités étirées, propices à méditation et introspection. L’épure de ses pièces et leur économie de moyens affirment ensemble les dimensions éthiques et esthétiques du minimalisme, comme s’il s’agissait de trouver dans le très peu un terrain d’entente entre l’homme et son milieu.
En automne 2022 et au printemps 2023, Julien Herrault est parti avec sa caméra à la rencontre de différentes communautés d’Amérique du sud et d’Asie centrale afin de documenter leurs modes de vie, et de commencer un projet d’installations vidéos documentaires, actuellement en développement et soutenu par l’Institut Français.